Les défis des sportifs de haut niveau : comment les établissements d'enseignement supérieur s'adaptent-ils ?

Les défis des sportifs de haut niveau : comment les établissements d'enseignement supérieur s'adaptent-ils ?

Devenir sportif de haut niveau demande une rigueur et un entraînement quotidien difficiles à combiner avec des études supérieures. On estime de 15 à plus de 30 heures par semaine d'entraînement pour ces sportifs et de nombreux déplacements. En moyenne, une licence à l’université comprend 20 heures de cours par semaine, sans compter le travail personnel, qui dépend grandement des filières. 

Pourtant, construire ce double projet socioprofessionnel est très important pour eux. Les carrières sportives se terminent souvent tôt. La reconversion professionnelle des sportifs est en partie définie par les études qu’ils auront faites. 

La politique d’inclusion dans l’enseignement supérieur permet depuis quelques années d’améliorer les chances de réussite des publics empêchés. Nous nous intéressons au cas des sportifs de haut niveau, mais l’inclusion concerne également les artistes, les étudiants salariés et aussi les personnes en situation de handicap ou malades. 

Dans cet article, nous souhaitons passer en revue les différents dispositifs technopédagogiques et accompagnements spécifiques qui permettent à ces étudiants d’avoir les mêmes chances de réussite que les autres. 

À l’Université de Perpignan, un Bureau Étudiants à Besoins Pédagogiques Particuliers,  a été créé en 2019, pour accompagner les divers publics empêchés dans la poursuite de leurs études universitaires. Ce sont 81 étudiants sportifs, dont 34 Sportifs de Haut Niveau (SHN), qui sont suivis au sein de cette cellule par la gestionnaire administrative. Les artistes de haut niveau (musiciens, danseurs…) et les personnes en situation de handicap sont également accompagnés. 

L’INSA* de Lyon quant à lui, a créé une section sport de haut niveau dès 1981. Hervé Bizzotto, directeur de cette section, nous explique que dès la création de l’école, les fondateurs ont voulu développer des valeurs d’ingénieurs humanistes, avec des projets personnels en dehors des sciences. Encore aujourd’hui, 30% des enseignements ne sont pas scientifiques. Le sport est obligatoire pour tous les étudiants à raison d’1h30 par semaine. Une politique avant-gardiste, qui fait de cette école d’ingénieur l’une des premières à proposer du sur-mesure depuis plus de 40 ans. 

Enfin, l'INSEP* accueille les meilleurs sportifs français. Là-bas, les jeunes pratiquent le sport de façon intensive dans l’espoir d’être un jour qualifiés pour les Jeux Olympiques. Néanmoins, il est fortement recommandé pour ces jeunes de poursuivre leurs études en parallèle. Dès leur admission, ils sont pris en charge par une accompagnatrice dédiée pour leur trouver la formation la plus adaptée à leur projet. L’INSEP a mis en place au fil des ans de nombreux partenariats avec des écoles et des universités pour offrir aux sportifs le plus de choix de carrières possibles.

Parcours sur-mesure, adaptation des emplois du temps, statut spécifique, et tutorat personnalisé, passons en revue les différents aménagements mis en place dans ces trois établissements. 

*Institut National des Sciences Appliquées
*Institut national du sport, de l'expertise et de la performance

Une politique d’inclusion générale qui pousse les universités à s’adapter, témoignage à l’université de Perpignan

Une commission Sport de Haut Niveau se réunit deux fois par an pour étudier les demandes de dossier des sportifs. En théorie, tous les cursus sont disponibles. En pratique, encore quelques disciplines ne sont pas compatibles, en raison des nombreuses activités pratiques et déplacements impossibles à rattraper à distance. Une fois leur demande acceptée, les étudiants obtiennent le statut de sportif et peuvent bénéficier des divers aménagements.

Les étudiants sportifs ont la possibilité, en accord avec le responsable pédagogique de leur formation, de changer de groupe de TD et de prétendre à une dispense d'assiduité pour les cours. 

Une plateforme dédiée en ligne a été mise en place. Sur cette plateforme, tous les cours sont retranscrits et accessibles partout, à tout moment. Un étudiant par formation est même rémunéré par l’université, en tant que tuteur, pour prendre des notes et les partager à tous les étudiants empêchés de sa promo. L’université leur permet alors de rattraper tout ce qu’ils manquent, de manière asynchrone. 

Pour accompagner les sportifs, du tutorat enseignant est aussi proposé. L’année dernière, environ 60 heures ont pu être financées. Certains enseignants partagent également des vidéos pédagogiques et d’autres ressources, pour expliquer certaines notions. 

Enfin, des sessions spéciales d’examen de substitution sont organisées et le temps de formation peut être rallongé. Pour cela, les sportifs répartissent les matières sur plusieurs années et disposent ainsi de plus de temps pour leurs entraînements. Ils peuvent ainsi concilier leurs contraintes sportives avec la poursuite de leurs études.

Le taux de réussite de ces étudiants atteint les 60%. Les aménagements proposés par l’université sont appréciés par ceux qui en bénéficient, comme le confirme le questionnaire de satisfaction réalisé chaque année. 

Le double cursus d’excellence ingénieur-sportif de l’INSA


Sportifs INSA
Crédit photo : INSA Lyon

Aujourd’hui, la section sport de haut niveau de l’INSA de Lyon compte 180 étudiants, dont 70 ont le statut de  Sportif de Haut Niveau. 98% des étudiants qui passent la première année obtiennent leur diplôme dans ce double parcours. 

Ces excellents résultats sont rendus possibles grâce aux aménagements sur-mesure proposés par l’école. La classe préparatoire est répartie sur 3 ou 4 ans, au lieu de 2 en temps normal. La suite du diplôme peut également être prolongée sur 4 ou 5 ans, au lieu de 3. Les élèves ont environ 24h de cours par semaine en présentiel au lieu de 32h dans la filière classique. Les sportifs suivent exactement les mêmes cours avec le même volume horaire total que les non sportifs. Une adaptation dans le temps leur est simplement proposée. 

Comme tout sportif professionnel, les étudiants sont amenés à rater certains cours ou examens. Tout est alors mis en œuvre pour qu’ils puissent les rattraper. 

Pour le suivi des cours, plus de 400 heures de tutorat sont dispensées par des étudiants d’années supérieures et 200 heures par des enseignants parfois en petit groupe. Depuis cette année et suite au Covid-19, certains cours sont enregistrés et diffusés sur la plateforme interne de l’établissement. Cette expérimentation pour l’instant proposée seulement par quelques volontaires va être déployée dans plusieurs autres cours, quand cela est nécessaire. Les vidéos peuvent être vues et revues, ce qui est très apprécié par les étudiants et notamment ceux en déplacement

Pour les examens, l’administration de l’INSA est en relation avec les entraîneurs des clubs, qui sont eux aussi très impliqués dans le double projet. Les examens peuvent être réalisés à distance, dans les mêmes conditions et de façon équitable, sous la surveillance d’une personne de la fédération. Si ce n’est pas possible, des sessions de rattrapages peuvent être organisées. 

Des conventions sont signées avec différents professionnels : nutritionniste, ostéopathe, préparateur mental, kinésithérapeute, cryothérapie. Environ 50 étudiants en bénéficient tous les ans, les autres sont généralement suivis directement par des professionnels de leur club. 

Enfin, l’école dispose d’infrastructures dédiées sur le campus. Une salle de musculation est accessible à tout moment et le service de restauration est ouvert le soir après les entraînements. Il y a également une résidence avec des appartements pour les sportifs. 

Encourager les sportifs à poursuivre leurs études en parallèle, le cas de l’INSEP


Sportifs INSEP
Crédit photo : INSEP

Marie Le Menn est responsable de la licence STAPS, gérée par l’Université Paris Est Créteil. Cette licence est la seule réalisable directement sur le campus de l’INSEP. L’avantage est de permettre aux jeunes d’alterner entre les cours et les entraînements, tout au long de la semaine, sans déplacements. 

Les cours ont lieu de 8h à 9h30 puis de 14h à 15h30 tous les jours. Le reste du temps est dédié à leur pratique sportive. Bien que l’emploi du temps soit adapté, ils bénéficient des mêmes enseignements que les étudiants non sportifs.

Tout est donc pensé pour qu’ils puissent réussir. Les emplois du temps, mais aussi les sessions d’examens, et bien sûr, une plateforme pour rattraper les cours manqués. Avec des classes réduites de 17 à 30 étudiants par année de licence, chaque étudiant bénéficie d’un véritable suivi personnalisé. Le taux de réussite en licence est d’ailleurs nettement supérieur à la moyenne nationale, avec l’année dernière 67% de réussite en L1. 

Si les notes d’un étudiant chutent, Madame Le Menn va lui rappeler les différents moyens pour lui de s’améliorer. Un volontaire en service civique accompagne aussi ces étudiants dans l’organisation de leur double projet. Il est là pour vérifier que l’étudiant dispose de toutes les ressources nécessaires et qu’il a toutes les clés pour rattraper ce qu’il aurait manqué. 

Avec 25 à 40 heures par semaine consacrées au sport, certains étudiants perdent parfois de vue leur engagement académique. L’enjeu pour Madame Le Menn et les accompagnateurs de suivi socioprofessionnel est de réussir à motiver les étudiants les moins impliqués : ceux qui ne demanderont jamais d’aide, ou auraient plus de mal à réussir les examens. 

Enfin, un enseignant vacataire dispense des heures de tutorat, individuellement ou en petit groupe. Il a des compétences pluridisciplinaires, qui lui permettent d’accompagner les étudiants sur plusieurs matières. Tous les autres enseignants sont également impliqués. Ils se rendent disponibles pour aider les étudiants qui reviennent après une longue période d’absence et mettent à disposition un maximum de ressources en ligne. 

Des publics différents, des accompagnements différents

Chaque établissement interrogé accueille des publics différents. Même s’ils ont tous une problématique évidente de temps et d’assiduité, ils ne bénéficient pas tous des mêmes aménagements. La motivation de l’étudiant lui-même entre en jeu. L’INSA forme des élèves ayant tous eu mention très bien au baccalauréat. Des étudiants méthodiques avec une réelle envie d’exceller à la fois sur le plan sportif et scolaire. À l’inverse, l’université de Perpignan et la licence STAPS de l’INSEP, accueillent différents profils d’étudiants, plus ou moins impliqués. Bien que certains soient très studieux, d’autres ont besoin d’être tirés vers le haut. 

Après la crise Covid, certains cours étaient encore diffusés en ligne à l’INSEP. En analysant les taux de visionnage, cette pratique a été mise de côté car finalement ces cours n’étaient que trop rarement revus. Ajouter des heures de visionnage pour rattraper le retard est très chronophage en plus de leur rythme déjà soutenu. À l’INSA, c’est le phénomène inverse qui se produit. Quand un cours est publié en ligne, les enseignants se rendent compte, en posant des questions, que le cours a bien été rattrapé et assimilé d’une semaine à l’autre. Si la diffusion vidéo d’un cours est très pertinente à l’INSA, elle l’est moins pour la licence STAPS de l’INSEP.

En revanche, on retrouve des similitudes dans tous les établissements. Proposer l’étalement des cursus sur plusieurs années est presque une obligation. Les Sportifs de Haut Niveau bénéficient d’ailleurs d’un statut qui encadre leurs droits universitaires. Il faut pouvoir faire coïncider les entraînements avec les cours et les examens. Ensuite, tout doit être mis en œuvre pour rattraper les cours manqués.

Enfin, du tutorat est mis en place sous différentes formes : prise de notes, cours particuliers avec des enseignants ou d’autres étudiants. Tous les établissements disposent aussi d’une plateforme d'e-learning, avec plus ou moins de ressources disponibles à distance. 

Dans 20 ans, l'université sera inclusive ou ne sera pas

Ces dernières années, il est clair que les aménagements pour les publics empêchés ont considérablement progressé. Bien que certains établissements aient intégré cette approche dès leur création, d'autres ont récemment rejoint cette tendance pour répondre à la politique d'inclusion globale. 

L'implication de toutes les universités est désormais évidente, comme cela a été souligné lors du dernier congrès "Publics empêchés : le sur-mesure accessible à tous", qui s'est conclu par la phrase de Mireille Brangé : "Dans 20 ans, l'université sera inclusive ou ne sera pas". Plus de 60 contributions ont été présentées, dont beaucoup concernaient le sport. 

Toutefois, il est important de souligner que le sur-mesure a un prix. Proposer des cursus "à la carte" exige un investissement considérable de la part de l'État et des établissements. Pour être viable, le “sur-mesure” ne peut pas devenir du cours particulier et les heures de tutorat sont souvent limitées. 

Les plateformes d’apprentissage en ligne permettent de partager presque l’ensemble des contenus de formation, pour que les étudiants empêchés puissent suivre les cours à leur rythme. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche l’a bien compris et finance 34 projets d’hybridation depuis deux ans. Par ailleurs, la mutualisation des cours à l’échelle nationale est une autre idée qui commence à émerger avec des projets comme SHIFT, qui propose de mettre en commun des parcours de licence STAPS en ligne pour les rendre accessibles à tous. 

Le numérique serait-il la clé de l’enseignement inclusif de demain ? Affaire à suivre. 

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